Djeah, du Soudan à l’Australie

Chère famille,

        Je suis bien arrivé en Australie. Je suis parti du jour au lendemain sans rien dire et j’en suis désolé…Cette décision de vous quitter ne me plaisait pas pourtant je devais fuir cette situation politique intenable…pourtant le Soudan me manque…Je suis parti de bonne heure le matin pour avoir le premier bateau. C’était tellement horrible le trajet en bateau, l’Océan Indien était tellement agité et le bateau était tout petit nous étions sans doute une cinquantaine ! Durant la traversée du désert d’Éthiopie et du désert de Somalie, tellement d’amis à moi sont morts, ils tombaient de la voiture qui ne s’arrêtait pas, pourtant ils étaient plus forts que moi… il y a certains moments où j’ai cru tout abandonner, c’est vrai, mais j’ai pensé très fort à vous ce qui m’a permis de tenir je crois, non j’en suis sûr.

        Me voilà en Australie à Sydney. En arrivant, aucune personne n’était aimable avec moi, tout le monde me regardait mal. Manifestement, je n’étais pas le bienvenu. Je me sentais perdu, seul dans les rues que ce soit de jour ou bien de nuit. Il fallait bien que je survive, j’ai donc fait la manche devant un centre commercial. Personne ne faisait attention à moi. Pourtant, j’ai été accueilli par une vieille dame qui sûrement, n’avait pas peur de se faire prendre, car c’est interdit d’accueillir des migrants chez soi, m’a t’elle dit. Elle m’a nourri comme si j’étais son enfant, j’ai enfin dormi dans un lit depuis des mois. Elle me raconta un soir que son mari était lui même migrant et qu’elle en était tombée amoureuse très vite. Il est mort récemment d’ailleurs. Je me suis senti bien pour la première fois depuis longtemps. Selon moi, elle a compris la souffrance du voyage que j’ai subi.

       Ce pays est complètement différent du nôtre, c’est un pays riche en technologie et les gens ne sont pas sympathiques du tout… J’ai beaucoup de mal à m’adapter mais malgré tout je me suis trouvé un petit travail, je pourrai donc vous envoyer de l’argent tous les mois. Je travaille en tant que livreur de pizza, ce qui n’est déjà pas mal pour un début. Je loge toujours chez cette vieille dame pour le moment, j’attends d’avoir bien assez d’argent pour avoir mon appartement, alors toutes les semaines je lui donne un peu d’argent afin de participer à l’achat de nourriture et les produits pour les tâches ménagères. Cela fait déjà 6 mois que je suis ici ; vous me manquez énormément… un jour vous viendrez chez moi en Australie, promis et j’espère que vous allez bien. J’espère que Zoé va bien aussi, elle me manque tellement, cela me fait bizarre sans elle, ses petites bêtises me manquent, je ne serai même pas là pour son anniversaire, 16 ans déjà, elle doit m’en vouloir d’être parti comme cela…J’imagine qu’elle a hâte de me revoir ahah !

       Mama j’aimerais bien te parler de quelque chose… En arrivant en Australie dès le début les gens m’insultaient, ils me bousculaient dans les rues… Ils m’ont même pris le peu d’argent que j’avais réussi à avoir… J’ai reçu beaucoup d’insultes du genre « Sale negro » ou bien « Retourne d’où tu viens sale noir » Je n’ai pas super bien réagi à ce moment là, c’est vrai cela m’a vraiment blessé, j’ai donc crié scandale et je les ai remis à leur place. Je trouve cela scandaleux car nous sommes tous pareils mais à la fois tous différents. Peu importe que ce soit au niveau de la couleur de peau ou bien des croyances de chacun : nous sommes tous pareils. En plus, je trouve cela formidable d’avoir plusieurs types de personnes en Australie, chacun a ses propres coutumes : musicales, culinaires, culturelles… Cela apporte beaucoup de richesse au pays selon moi car nous pouvons tous apprendre à nous connaître et ainsi découvrir toutes les religions différentes de la notre, cela fait place à de la tolérance, de la compréhension ! Nous méritons tous d’avoir notre place dans ce monde peu importe nos différences…

         Les premières semaines avant de trouver mon travail ont été très difficiles… J’ai postulé dans plein d’entreprises, j’ai même pris des rendez-vous afin de convaincre plus facilement pour avoir le job… malgré cela, ils m’ont tous été refusés parfois sans avoir pris la peine de lire au delà de la première page où se trouve ma photo. A ce moment là, je me suis senti sali…J’aurais très bien pu avoir ma place dans ces entreprises. Ce n’est pas parce que je suis noir que je n’ai pas les compétences demandées. J’aurais eu ma place dans ces entreprises et j’en suis sûr !!!

        Par cette lettre, je dénonce la maltraitance physique que j’ai pu subir à mon arrivée et aussi toutes les formes de maltraitances que nous avons tous subies…

      A ce propos, je me suis inscrit dans un groupe de solidarité où nous pouvons parler librement et penser librement également. Nous organisons des manifestations afin d’avoir plus de liberté mais parfois on se fait tirer dessus ou bien nous finissons en détention…Pour le moment je ne participe pas encore aux manifestations, sûrement par peur de me faire prendre et de ne plus pouvoir avoir ma place dans la société, alors ne t’inquiète pas pour moi tout va très bien !!!

    Je me suis fait pas mal d’amis ils sont tous très gentils. Au départ, ils ne voulaient en aucun cas discuter avec moi… mais à présent ils sont devenus mes amis et ils me soutiennent dans mon parcours. Ils sont devenus ouverts d’esprit, désormais ils comprennent ce que nous subissons en arrivant au pays. J’ai d’ailleurs rencontré ma petite amie ‘Issy’, elle a 2 ans de moins que moi, elle est très jolie tu sais, elle me fait penser à Zoé un peu. Je l’ai rencontrée dans le groupe de solidarité !!!

Je vous embrasse très fort, vous me manquez…

Bisous,

Djeah