Ma tendre maman,
Il est actuellement 22h30, nous sommes le 13 octobre, et je peux enfin t’écrire cette lettre après presque 8mois sans donner de nouvelles…
Cela fait 6mois, jour pour jour que j’ai quitté la Syrie, que je t’ai laissée derrière moi mais sache que je devais le faire, je devais fuir le pays, fuir toute cette violence, cette guerre civile, tout ceci devenait beaucoup trop dangereux, qui sait si j’étais restée, n’aurai-je pas fini avec une balle dans la tête ? Ou avec une bombe à mes pieds en me levant un matin ?
Je voulais te dire que j’allais bien, que tout se passait bien pour moi ici, mais que je pensais toujours à toi qui est restée là-bas, chaque jour j’ai cette peur qu’il t’arrive quelque chose, ou que j’apprenne des mois après que tu ne fais plus partie de ce monde… Je voudrais tellement que tu me rejoignes et que tu sois près de moi maman, mais ne t’en fait pas je suis en sécurité et j’espère que tu l’es aussi.
Je suis actuellement en France, à Paris plus exactement, cette jolie ville où tu as toujours rêvé d’aller, et je t’y emmènerai un jour.
6 mois de voyage, de difficultés pour arriver ici, ça n’a pas toujours été facile le périple a été long, fatiguant, dangereux mais j’y suis arrivée et j’en suis heureuse maintenant.
Ce n’est jamais facile d’arriver sur un territoire ou une ville qui t’est inconnue dont je ne connaissais même pas le nom, perdue, entourée de tas d’individus qui se demandent qui tu es, d’où tu viens, et qui te dévisagent du regard.
Je suis arrivée ici par pur hasard, sans aucun but précis, juste trouver quelque part où je pourrai avoir une vie meilleure et réussir.
Au début j’errais dans les rues, mon sac sur le dos je marchais sans savoir où aller, l’effervescence de Paris, les rues bondées de monde, les gens qui sont en retard au boulot, tout cela me faisait tourner la tête mais inconsciemment je rêvais d’être l’un d’eux.
J’ai fermé les yeux pendant quelques instants, à ce moment j’ai ressenti de la tristesse due au fait d’être loin de toi.
A l’heure d’aujourd’hui, après plusieurs mois d’attentes, j’ai trouvé un logement (je cohabite avec d’autre migrants venus également de Syrie), j’ai aussi réussi avec l’aide d’une association à trouver un stage dans le domaine de la restauration et j’ai des cours de français tous les soirs de 19h à 21h, ça m’aide beaucoup pour mon intégration dans la société.
En espérant que ces quelques mots t’ont redonné le sourire pendant un instant, et t’ai redonné l’espoir qu’un jour tu puisse me rejoindre.
En renvoyant des images violentes, en étant confrontés à une société en crise, nous n’imaginons pas la force de l’altruisme.
Leann L.D, 1L1