Jamel Afsar, de l’Iran en France

Paris,25 mai 2011

Doux Malik, Cher Amour,

Je t’envoie de France quelques nouvelles de ce qu’il reste de moi après la torture que m’ont fait subir mes tortionnaires. Je n’aurais point dû avouer à ma femme, Laleh mon homosexualité, car peut-être serais-je encore dans tes bras en ce moment même mon bel amant. Suite à ça je n’ai jamais reparlé à Laleh, qui avait prémédité l’agression que son larbin de frère, m’avais fait subir. J’étais coupable de rien si ce n’étais d’être efféminé et de t’aimer depuis le lycée. Grâce au salut de ce jeune tortionnaire j’ai pu m’échapper, remercie-le pour moi s’il s’avérait un jour que tu ne le croise.
Je suis arrivé à destination durant la nuit du 9 avril 2011, après que tu m’ais donné les billets d’avion pour « Charles de Gaulle ». Je ne savais même pas où j’allais… J’ai passé le reste de la nuit en détention, puis j’ai ensuite été conduit dans un foyer pour réfugiés. Les démarches administratives se sont alors enchaînées : la Préfecture et l’OFPRA pour le titre de séjour, l’association Chrétiens Migrants pour le suivi, aides pour les dépistages, La Croix Rouge pour le courrier, et le Centre LGBT pour l’écoute. C’est au centre que j’ai pu parler pour la première fois de mon vécu, de mon histoire, ainsi que de notre relation. J’ai pu y parler en toute liberté et sans crainte cette fois. Ça m’a donné de la force. J’ai même compris ce jour laque je n’étais pas le seul dans cette situation. En arrivant en France j’avais une boule au ventre, j’étais craintif, c’était la première fois que je sortais des frontières, jamais auparavant je ne m’étais aventuré plus loin que de notre cher Iran. Puis lorsque ces deux hommes vêtus de bleu se sont avancés vers moi, je n’ai pas pris la fuite je me sentais comme en sécurité alors qu’au contraire je n’aurais pas dû. Il s’agissait là de deux policiers qui s’apprêtaient à m’envoyer dans un foyer de réfugiés, mais quand on y pense, il ne pouvait rien m’arriver de pire à présent que la torture affligée par cette lâche de Laleh. Je ne lui en veux plus désormais, car il faut apprendre à pardonner.
J’ai donc pardonné. Dans ce nouveau pays qu’est la France, on m’a inculqué de nouvelles idéologies, de nouvelles valeurs. Sûrement dues à une différente perception des différences. Je me sens ici en sécurité, comme si ce nouveau pays m’avait recueilli les bras ouverts, je suis, d’une certaine manière, protégé. Tout le monde est si gentil, si compréhensif (je fais là une généralité bien évidemment, mais tu ressentirais la même chose que moi, je t’assure !). Cela me paraît si facile de vivre tel que je suis maintenant, tandis qu’avant je devais camoufler celui que j’étais. D’ailleurs, j’ai rencontré une jeune femme qui fut très touchée par mon histoire, quand je la lui racontai. Elle s’appelle Lola, elle lutte pour de belles personnes contre de graves maladies : elle est cancérologue. Jamais jusqu’à présent je n’avais connu de personne aussi forte et engagée dans son travail. Son cœur est d’une impensable pureté, il est si grand ! Elle m’héberge depuis mon arrivée en France le temps que je trouve un logement. Elle m’a appris à parler et à écrire français. Elle m’enseigne aussi l’anglais ainsi que les sciences. Sans elle je n’y serais pas arrivé. Je te la présenterai un jour, joli amour.

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En attendant quitte notre pays, rejoins-moi vite. Là bas ils ne voudront que ta mort. Ils ne t’affligeront que crasses et souillures. Ici peu importe vers qui se tourne notre amour, le mariage est autorisé pour tous, je t’en conjure Malik rejoins moi et épouse moi.
L’Iran condamne des choses qui n’ont pas lieu d’être ! La loi n’a pas à choisir pour nous notre orientation sexuelle. Pourquoi n’autorisent-ils pas l’existence d’homosexuels ? En quoi cela les dérange-t-ils ? Il ne s’agit que de sentiments amoureux et d’attirance physique. Le monde a peur de nous autres, homosexuels, mais ont-ils des raisons valables d’avoir cette peur ? Nous sommes des personnes normales, nous sommes comme les hétérosexuels nous n’avons que très peu de différences avec eux si ce n’est notre attirance envers une personne de sexe similaire. Pour moi nous ne sommes pas contre-nature. Ce n’est point parce la société a imposé un modèle de couple hétérosexuel que nous devons nous soumettre à cette image fondée sur des bases fébriles. Il est souvent dit que la Bible est également contre l’homosexualité, mais c’est faux. La Bible désapprouve les actes homosexuels certes, mais cependant, elle est contre l’homophobie. Les chrétiens doivent respecter tout le monde. (1 Pierre 2 :17, Bible des peuples). L’art, la télévision et l’actualité joue un rôle important dans la lutte contre l’homophobie comme par exemple avec la campagne d’affichage sur bus réalisée par le collectif Gran Fury qui toucha une large audience en 1989. Son but était d’informer que le sida ne se transmet pas par les baisers, quelle que soit son origine ethnique ou orientation sexuelle ! On retrouve aussi de nombreuses publicités mettant en avant les homosexuels comme Eram une marque de chaussure qui s’appuie sur les sujets tabous de la société pour vendre ses chaussures. Cette marque montre dans cette publicité deux femmes et leur enfant avec une phrase qui peut choquer :  » Comme disent mes deux mamans, la famille c’est sacré ». Grâce à cette phrase la marque démontre qu’avoir deux parents de sexe similaire n’influe en rien l’éducation et les valeurs transmises. Même si pour certains, avoir pour parents un couple homosexuel est inconcevable, notamment du fait que c’est d’après eux contre-nature (à cause encore une fois, du modèle des parents hétérosexuels imposé par la société).
En ce qui concerne mes origines iraniennes, certains Français me posent constamment des questions comme : « As-tu des origines ?», « Quelles sont-elles ? », « Pourquoi as-tu un accent ? ». Certains ont des réactions racistes, mais loin d’être un problème qu’il faut craindre ou combattre la divergence de race dans un pays devrait être perçue comme une richesse ou une chance pour toute société. La divergence de race implique des différences culturelles qui conduisent donc à l’échange de valeurs ainsi qu’au partage des points de vue en interagissant avec des personnes de divers horizons. Elle implique également une croissance économique pour le pays en question car l’immigration contribue à la formation d’un marché mondial ouvert. Mais il faut savoir que la divergence de race forme aussi à de nouveaux apprentissages linguistiques, culinaires, etc… Le film documentaire de Marie Borrelli Sans papiers ni crayons dénonce par exemple l’injustice de notre société à travers des enfants scolarisés en France mais qui sans papiers, risquent l’expulsion. Pourtant ces enfants n’aspirent qu’à une chose : être comme tout le monde et aller à l’école. On retrouve également dans l’une des œuvres de Banksy un message antiracisme qu’il essaye de faire passé par un dessin représentant un groupe de cinq pigeons s’adressant à un oiseau différent d’eux, au moyen de pancartes sur lesquelles étaient inscrits « Les migrants ne sont pas les bienvenus », « Retournez en Afrique » et « Laissez- nous nos vers ».
Certains français ont eu peur de moi à cause de ma religion qu’est l’islam. Ils faisaient référence aux événements terroristes historiques comme l’attentat du 11 novembre 2001, qui fut revendiqué par des musulmans. Leur expliquer que tous les musulmans n’étaient pas des terroristes ne fut pas simple je me suis donc appuyé sur un livre qui s’intitule La question musulmane en France. Ce livre écrit par Mohammed Arkoun en 2006, dénonce les débats actuels sur l’immigration des Musulmans. D’après moi la différence de croyances religieuses devrait être considérée comme un atout car elle permet une diversification des cultures, des pensées, etc.

En attendant reviens-moi vite mon amour, La peur ne m’empêchera plus jamais de t’aimer, et pour te le prouver je le crierai au monde entier s’il le faut.

Je t’aime Malik.

Jamel Afsar

Emma A., 1L1

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