A New York le 8 septembre 2017
Mon cher frère Aland,
Je t’écris ce soir d’un coin de New York où j’ai enfin pris le temps de rédiger cette lettre. Il est important que je t’explique ma vie, depuis mon arrivée ici. La vie New Yorkaise pour un migrant n’est pas celle que j’imaginais et je sais que cette illusion a joué bien des tours à d’autres que moi. J’étais venu ici dans l’espoir de donner un nouveau souffle à ma vie car comme tu le sais, la vie en Irak n’était pas faite pour moi. Les persécutions et les regards omniprésents fixés sur moi n’étaient plus possibles et il fallait que je parte. C’est dans cette optique que je suis arrivé ici et que mes premiers jours ont débuté.
Au début, j’ai vécu une phase d’émerveillement, la ville est majestueuse et ressemble très fortement à tout ce qu’on a pu voir ensemble à la télé mais en plus grand et plus spectaculaire. A mon arrivée, on m’a dirigé vers une auberge qui était destinée aux migrants venant d’arriver dans la ville et sans papiers. J’y ai logé pendant quelques jours, puis j’ai décidé de partir pour commencer à chercher un travail, je savais que cela n’allait pas être facile car les commerces qui acceptent d’engager un migrant sans papiers ne courent pas les rues et c’est, de plus, illégal. Les américains sont réticents à aider des migrants sûrement par crainte qu’on les vole. Certains passants avaient peut-être pitié de l’image désespérée que renvoyait mon visage et j’arrivais à récolter une dizaine de dollars (ce qui m’a permis de manger pendant la journée). J’étais perçu comme différent par les Américains à cause de mes origines et certainement du stéréotype qui s’est forgé à l’égard de personnes migrantes, c’est pourquoi j’ai donc décidé de revenir de mon plein gré dans l’auberge que les Américains appelaient « L’Auberge des autres » ! (Ça rassure bien pour la future insertion dans la société !) J’ai fait la connaissance d’un Soudanais qui était arrivé il y a 1 mois et qui n’avait toujours pas de nouvelles de son Visa. Étant là depuis 1 semaine, j’ai rapidement pris conscience que l’obtention de mon visa allait prendre beaucoup de temps ! Il m’a ensuite parlé de son histoire et de sa tentative d’aller voir les commerçants pour trouver un travail. Je me reconnaissais énormément dans toutes ses actions, et l’idée de patienter encore longtemps ne me plaisais pas.
Pendant la journée le centre était fermé nous devions donc rester dans la ville en attendant la réouverture pour le diner à 18h. Il fallait cependant être discret ! Avec le contexte actuel toute personne qui paraissait étrangère à la ville pouvait être perçue comme un danger au vu des policiers qui patrouillaient. Nous avions tout de même quelques consignes que je respectais à la lettre,
– Ne pas s’approcher des quartiers à risques ! Se trouver au mauvais endroit au mauvais moment n’aide apparemment pas du tout à la demande de visa et personne, pour diverses raisons, ne souhaitait retourner dans son pays.
– Rester en groupe était également déconseillé, nous pouvions apparaitre comme un groupe ayant des intentions mauvaises.
A l’annonce de ces indications j’étais effaré ! Nous n’étions pas des terroristes ou de futurs criminels mais seulement des êtres humains ayant quitté leur pays et souhaitant se réinsérer dans la vie active. Je passais donc, non pas mes journées en groupe mais seul, cela m’allait très bien car je ne m’entendais pas vraiment avec certains autres migrants. Je comprends maintenant que certains n’étaient partis que par quête d’aventure, même eux me regardaient différemment l Nous étions tous migrants mais nous n’avions pas émigré dans les mêmes conditions, Eux, ils pouvaient repartir dans leurs pays en disant qu’ils avaient conquis New York, cela m’était impossible. C’était une de mes dernières chances ici. Une remise à Zéro encore possible mais qui ne dépendait pas de moi. Ce train de vie qui faisait maintenant partie de mon quotidien devenait lassant. Chaque jour, nous recevions le courrier à 9h précises et chaque jour, chacun espérait recevoir l’enveloppe miraculeuse qui leur permettrait de pouvoir partir et démarrer leur vie américaine. Mais cet espoir cachait aussi une appréhension : celle de recevoir certes la lettre en question mais que son contenu ne soit pas celui attendu ! Que le visage de la personne s’assombrisse en lisant « Visa non accepté » et qu’elle doive donc, de ce fait, faire ses valises et retourner dans son pays. J’ai pu observer des visages s’illuminer et d’autres se décomposer.
Je souhaite t’annoncer ce soir mon frère, dans cette lettre, que j’ai reçu le courrier que je convoitais tant. J’ai passé une bonne partie de la journée à tourner et retourner l’enveloppe dans mes mains, n’osant l’ouvrir, espérant ainsi rester dans le doute, pour vivre cette journée comme la première ou la dernière. Après quelques heures je n’ai pu résister, tu reconnaitras sans doute mon impatience qui t’agaçait tant quand nous étions enfants, malgré que, sur ce point, tu seras ravi d’apprendre que je me suis amélioré ! Tout ceci pour te dire que je suis heureux de pouvoir t’annoncer l’acceptation de ma demande de Visa.
Après la lecture de mon récit tu pourrais penser que les personnes ont une image négative de la migration, ce qui est, la plupart du temps, vrai : une peur de l’autre qui domine, un rejet constant… Mais en réalité au-delà de ma situation, je pense et j’affirme que les migrants sont une chance pour le pays qui les accueille.
Comme nous l’a montré l’histoire, de nombreux pays se sont créés grâce aux migrants comme les États-Unis. Ils en sont d’ailleurs le meilleur exemple. Cette nation, connue comme étant la première puissance mondiale, est l’un des pays qui fait encore rêver tous les migrants (en particulier moi je dois dire) mais également des personnes en quête d’aventures comme tu as pu le lire précédemment.
Je pense que certaines personnes voient les migrants comme des incapables, des personnes déplorables voire détestables. Je souhaiterai dire à ces personnes qui ne nous connaissent pas, qui ne connaissent pas les raisons qui nous ont poussés à partir, que ces préjugés son loin d’être la réalité. Je pense que les personnes qui nous reçoivent, permettent aux migrants un enrichissement culturel, celui par exemple de pouvoir découvrir de nouveaux aspects de la vie, encore inconnus pour certains, ou bien la religion qui engendre des liens avec des personnes de confessions différentes. Mais ce partage de richesses se transmet dans les deux sens, nous apportons avec nous notre culture, notre religion, notre art provenant de notre pays. L’immigration peut se voir comme un enrichissement culturel qui s’alimente par nos différences. Mais n’est-ce pas ces différences que nous devons utiliser afin de nous enrichir mutuellement ? De ce fait, je pense qu’en partageant notre vision de la vie et en comprenant celle des autres, le monde avancerait plus facilement. Tout ceci est une chance et un enrichissement à qui sait les saisir.
Je souhaiterai également plaider à l’attention de toutes les personnes qui seraient susceptibles l’affirmation suivante : j’affirme que les migrants sont le résultat d’un enrichissement économique pour les pays. Une contradiction à toutes les idées reçues selon lesquelles ceux-ci seraient un fardeau pour le pays, menaceraient les emplois des citoyens, et seraient néfastes aux régimes de sécurité sociale. D’après l’article « l’humanité » paru le vendredi 30 juin 2017, et publiant le rapport du conseil de L’Europe celui-ci témoigne : « Chiffres et exemples à l’appui, il démontre au contraire que les migrants contribuent de façon décisive à la richesse économique et culturelle des pays qui les accueillent. ». Également, Un manque de main d’œuvre dans différents pays qui sont comblés par l’aide des migrants, qui acceptent de faire des travaux que d’autres ne souhaiteraient pas. Chacun doit prendre conscience de tout ceci.
Pour finir je pense et j’affirme que tout ceci apporte fondamentalement un enrichissement humain, grâce à l’apport des valeurs humaines développées par l’accueil de l’autre, par l’échange, comme par exemple : le partage, la bienveillance, la considération de l’autre (ce qui est très important) et la tolérance qui favorisent la paix et l’altruisme. Ainsi cela développe le concept de vivre ensemble. Malgré le fait que ça ne concerne probablement que moi, cela reste, de mon point de vue, les trois éléments qu’il ne faudrait jamais oublier et j’espère qu’un jour certaines personnes changeront leur opinion sur les migrants et prendront conscience que nous sommes une chance et que nous apportons des enrichissements à chacun.
J’espère, maintenant que je t’ai raconté mon histoire ; t’avoir convaincu de venir me rejoindre malgré la vie difficile, et la demande d’adaptation. Et je prie chaque jour pour qu’à ton arrivée, je t’accueille dans un logement avec un travail, des rêves et énormément de choses à te raconter.
Je t’embrasse
Ton frère Dilshad.
Lola F., 1L1