Ma demoiselle Orlov, ma Iekaterina, ma chère petite comtesse,
Je suis arrivé il y a quelques semaines à Paris. Te souviens-tu que nous l’avions visité il n’y a, il me semble, pas si longtemps. Ton oncle Sacha m’a aidé à trouver un logement. Il a d’ailleurs pris de l’embonpoint. Je vis dans une maison d’accueil offerte à la princesse Vera Mestchersky par une riche anglaise. Ce que j’appelle ‘maison’ est en fait le château de la Cossonnerie, à Sainte-Geneviève-des-Bois.
Depuis que j’ai fuis Petrograd, que je suis loin de toi, ton sourire me manque, ton rire aussi, et tes douces mains. Je t’avais dit que l’on se retrouverait en Crimée mais j’ai dû partir vers Constantinople, les bolcheviks gagnaient trop de terrain. J’ai ensuite rejoint la France, car c’est un pays dont nous connaissions les mœurs, la culture et la langue. J’ai préféré être en lieu sûr avant de te donner de mes nouvelles. Ici, les rumeurs vont de bon train depuis l’assassinat du dernier des Romanov.
Autour de moi, c’est noir de monde. La foule est vive, parle fort, mais j’aime entendre le français. Il me rappelle les chansons populaires que tu me chantais en t’accompagnant du piano. Le français est souple, il sonne à mes oreilles comme une mélodie de printemps.
Je t’écris en attendant mon train pour cette maison d’exil où, j’espère, tu me rejoindras bientôt.
Sacha m’a fait découvrir Paris. J’ai visité le Louvre durant quatre jours entiers. Je ne m’en lasse pas. En me promenant un après-midi, j’ai fait la rencontre de deux espagnols, des peintres rocambolesques et amusant. Autant que leurs noms tu imagines ! L’un se prénomme Joan Miró quant à son compère, c’est un certain Salvador Dalí. Ils peignent, rient, et m’apprennent l’espagnol. C’est plus dur que ce que je ne pensais mais cette langue a l’odeur du soleil et d’une chaleur du Sud dont notre mère patrie manque cruellement. Ne doute pas qu’ils vont faire de grandes choses, l’histoire retiendra au moins leurs noms.
J’enverrais d’ici peu de l’argent à ta mère et à ton frère, Mikhail, pour qu’ils puissent vivre confortablement quelques temps, jusqu’à ce que l’on puisse rentrer, toi et moi, dans notre belle Russie, y fonder une famille.
Paris est belle, son art est beau, sa liberté est splendide et ses monuments magnifiques. C’est ici et nul autre ailleurs que nous nous marierons.
Je te joins à cette lettre un billet de train pour Paris.
Avec tout mon amour, ma joie, mes caresses et mes baisers
Ton Nikita
NB : Tu n’auras pas à t’inquiéter, tu sais, d’avoir l’air différent. D’ailleurs, personne ne devrait s’en inquiéter. Un territoire ne devrait pas appartenir à quelqu’un. Je t’aime.
PLAIDOYER POUR LA DIFFÉRENCE
Comme Nikita le dit dans cette lettre à sa bien-aimée, un territoire ne devrait appartenir à personne. Ni à un état, qui peut s’octroyer le droit d’interdire l’entrée de son pays à une personne sous prétexte qu’elle est différente, qu’elle ne lui ressemble pas. Par exemple, Donald Trump, président d’un des plus grands états du monde, qui souhaite construire un mur entre son pays et le Mexique. Dans beaucoup de ses plus grandes villes, habitent déjà des migrants, ou enfants de migrants mexicains. Et lui veut tout simplement arrêter ces hommes et femmes qui ne lui veulent rien. Ces migrants sont une partie importante de l’économie américaine, sans eux, le PIB ne serait pas le même. De même pour tous ces musulmans qu’il a littéralement éjectés de son pays. Il a fait preuve de la même compassion dont ont été accusés les marins de la Méduse en expulsant 147 personnes, mises sur un radeau ouvert dont certains contemporains ont blâmé la monarchie française. Ou encore, Kim Jong Un, le dictateur à la tête de la Corée du Nord qui ne laisse personne entrer ou sortir de son pays.
Ni à une religion, une terre religieuse peut en être une mais cela ne veut pas dire que l’on ne peut habiter dessus si l’on à une religion qui diffère. Prenons comme exemple, simplifié, le conflit Israélo-Palestinien. Lorsque les Nations unies ont décrété que les Juifs pouvaient vivre dans un nouvel état en terre sacrée, ils ont consciemment provoqué une guerre de territoires entre la Palestine historique et Israël, terre religieuse. Les Palestiniens qui ont accueilli, plus ou moins bien, ce nouveau peuple, ont vu détruire leurs villes, leur culture par un peuple qui avait été persécuté pour à cause de sa culture… Les palestiniens sont maintenant réfugiés dans un pays qui était le leur et qui ne leur appartient plus. Un être humain devrait avoir le droit d’aller vivre où il le souhaite. Il ne fait de mal à personne s’il s’installe à 500 mètres d’une frontière, pourquoi en ferait-il, du mal, s’il était 500 mètres de l’autre côté ? Nous avons en nous une nature migratoire, nous étions nomades avant d’être sédentaires.
De plus, j’ajouterai à cela qu’un migrant nous apporte beaucoup. Il permet de créer, en s’intégrant, une mixité sociale et culturelle non négligeable. J’apporte ici un exemple personnel, d’une maison russe et d’un cimetière orthodoxe à Sainte-Geneviève-des-Bois en Essonne. Cette maison, citée dans la lettre, a réellement été offerte à la princesse Vera Mestchersky. C’est maintenant une maison de retraite, mais on peut y retrouver dans l’entrée un buste du tsar Nicolas II et certains des pensionnaires sont eux-mêmes des immigrés russes. Le cimetière attenant n’était pas destiné à cette utilisation, mais au fil des années, une église orthodoxe a été construite et plusieurs grandes figures de l’immigration russe (peintres, chorégraphes, poètes, auteurs) s’y sont fait inhumer. Certains chefs d’états russes tels que Mikhaïl Gorbatchev et Vladimir Poutine s’y sont rendus. Ce cimetière se partage désormais en deux, d’un côté, on retrouve un cimetière typiquement russe, de l’autre un Français. C’est un exemple d’une possible mixité entre deux cultures, aussi différentes soient-elles l’une de l’autre. Les migrants apportent, dans un certain sens, un renouveau au pays, qui finirait par se lasser et s’enliser dans sa culture.
Enfin, je voudrais aborder le sujet de la discrimination injuste dont font preuve certains peuples/certaines communautés plutôt que d’autres. Lorsque les irlandais ont émigré aux États Unis entre 1850 et 1920, ils ont subi la même discrimination que les migrants d’aujourd’hui. L’âme d’accueil dont nous devons faire preuve n’est pas présente. Aux États-Unis, la plupart des personnes sont protestantes, je me mets alors à leur place et pense : Dieu a dit : “aide ton prochain” il ne dit pas laisse le se débrouiller tout seul. Dans les années 20, la France a subi une vague de libéralisation, la sexualité n’était plus tabou ni le choix de l’homosexualité. Si ça l’était encore, beaucoup moins qu’à notre époque alors que l‘on est censé évoluer, non régresser.
Les migrants sont des personnes qui ont besoin d’aide, et nous qui vivons confortablement il faut leur apporter le nécessaire à leur intégration.
Mina B.H, 1L1
Sitographie et Bibliographie
PAYET, Jean-Michel, Dans la nuit blanche et rouge, LES GRANDES PERSONNES, 2012
*Babelio https://www.babelio.com/livres/Payet-Dans-la-nuit-blanche-et-rouge/406018 http://www.lefigaro.fr/livres/2008/01/17/03005-20080117ARTFIG00006-le-livre-noir-des-russes-blancs-.php
*Le Parisien http://www.leparisien.fr/societe/a-sainte-genevieve-un-petit-coin-de-russie-20-05-2005-2005963805.php
*Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/La_M%C3%A9duse
*L’Histoire http://www.lhistoire.fr/la-v%C3%A9ritable-histoire-du-radeau-de-la-m%C3%A9duse