Fuir les murs et la peur : Salomon, du Mexique au Canada, en passant par Détroit

Vancouver, le 11 octobre 2017

Maman,

Je ne sais que dire… C’en est trop. Voilà un mois que je suis parti de mon petit appartement délabré de Détroit pour me rendre à Vancouver au Canada. Je me sentais rejeté, rejeté dans un pays qui m’a accueilli il y a 5 ans, alors que je quittais mon Mexique natal. Car comme vous le savez sûrement, il y a maintenant 9 mois de cela, les Américains ont voté pour leur nouveau Président, Donald Trump !

Je ne pense pas être le seul quand je dis que cet homme est détestable. Ici les hispaniques étaient déjà énormément discriminés, en matière d’éducation, de droit de vote, de citoyenneté et d’immigration. Et Trump n’a rien arrangé, bien au contraire, il considère les Mexicains comme étant des parasites dans son pays et a donc décidé de construire un mur frontière entre le Mexique et les États-Unis pour empêcher les intrusions. Il a demandé au Mexique de le financer en échange de troupes américaines pour lutter contre le trafic de drogue. Ce que le Président Mexicain a bien évidemment refusé.

J’ai donc pris la décision de partir. J’ai bien évidemment tout d’abord songé à revenir au Mexique auprès de vous, mais étant donné le taux de criminalité qui ne cesse de croître et les conflits entre trafiquants de drogues qui ont des conséquences désastreuses, j’ai vite été découragé… Ne te tourmente pas de ma santé, de mon sommeil ou de mon appétit, car ils sont excellents !  Au Canada, ma vie prend du sens. Le gens sont très agréables est ne se basent pas sur mes origines pour porter un jugement. Les actions (violence, incendies, dégradation …) et les menaces (propos, courriers injurieux …) sont punies par la loi car elles sont strictement interdites, ce qui parait banal mais pourtant beaucoup de personnes ne voient pas les choses ainsi.  J’ai passé mes premières semaines dans un centre pour migrants dans lequel j’étais logé et nourri. Ce fut long et difficile car je dus m’adapter à la vie en communauté. Je me suis énormément posé de questions et j’en suis même venu à me demander si je n’aurais pas mieux fait de rester au États-Unis. Car tu sais comment nous sommes nous ne nous rendons compte de nos richesses qu’une fois que nous les perdons !  Mais je me suis vite ressaisi, me remémorant toutes les atrocités que j’avais pu endurer avant de fuir cette terre que je chérissais tant il y a encore quelques mois de cela, et compte -tenu des circonstances, j’ai commencé à chercher un logement à un prix raisonnable.

Mais après de nombreuses recherches très peu convaincantes et de nombreuses annonces postées sur internet, un mail vint égayer ma journée. Dans ce mail, un fameux Jones, me disait qu’il ne serait pas contre un peu de compagnie dans son appartement, situé en face du Park Stanley, qui était devenu trop grand et trop cher pour un seul homme. Je vis donc maintenant en colocation, avec Jones Saïd, un type petit et un peu frêle, brun, du gel plein les cheveux et des poches sous les yeux indiquant un manque de sommeil évident. Cette cohabitation contre toute attente ne me déplait pas tant que cela. Le seul problème reste le travail, que je ne peux effectuer tant que je n’ai pas la nationalité Canadienne. J’ai donc entamé une procédure pour avoir un visa. Ainsi je pourrais travailler sur le territoire. Les personnes chargées de toute la paperasse ont d’ailleurs été très agréables, ont pris le temps de m’expliquer les différentes étapes à suivre et m’ont bien précisé que ça prendrait du temps. Malheureusement, du temps j’en manque cruellement, non seulement pour me nourrir mais également pour payer mon loyer.

Depuis que je suis ici, j’ai observé que les Canadiens étaient un peuple très ouvert d’esprit. Car en parlant avec certaines personnes j’ai pu noter qu’ils voyaient la différence comme une richesse et non comme un handicap. En effet ils pensent que nous pouvons apporter une nouvelle manière de travailler et certains disent même que nous nous adaptons facilement, car comme l’a dit Socrate « Ce qui fait l’homme, c’est sa grande faculté d’adaptation. ». La coexistence entre différentes cultures, que ce soit éthiques ou religieuses, peut également permettre un échange culturel, de connaissances historiques, sociologiques ou encore économiques. Parmi les principaux facteurs historiques ayant conduit à la formulation de l’exigence de reconnaissance de droits culturels, on note généralement une vague d’immigration massive en France, débutant avec la fin de la Seconde Guerre mondiale. On habite tous sur la même planète, mais on ne vit pas dans le même monde, ce qui fait notre richesse mais aussi engendre des difficultés pour vivre ensemble. Car le multiculturalisme signifie également une différence de rythme de vie.

 Par ailleurs, Les philosophes ont toujours soutenu que notre identité personnelle ne se construit qu’au sein de communautés et de relations communautaires, définies par des cultures auxquelles il faut donner des droits et des privilèges au nom du respect des différences culturelles, une chose que visiblement les Américains ont du mal à concevoir. Contrairement à la population canadienne qui elle, s’intéresse tout particulièrement à de nouvelles cultures. Il nécessite donc de prendre en compte la différence et de la reconnaitre. S’ils se veulent véritablement démocratiques et équitables, ils doivent aller au-delà de la neutralité, de la tolérance et de l’impartialité libérale habituelle afin de promouvoir activement la reconnaissance et la célébration des différences. La disparité engendre parfois des violences autant physiques que morales, comme ce que j’ai vécu aux États-Unis. Pourquoi nous rabaisser alors qu’il suffirait simplement d’ignorer ce qui leur déplait, ou même d’essayer ne serait ce qu’une seule seconde de nous comprendre ? Il me semble que nous avons énormément de choses à apprendre de ceux qui nous entourent. Cela me dépasse…

Ne serait ce que d’un point de vue économique, les gens prétendent que nous, immigrants pilleraient leur pays, mais ils sont les premiers à se réjouir de ne pas faire les « sales boulots ». Car bien évidemment nous ne seront jamais grands avocats, chefs d’entreprise ou encore médecins, et nous le savons d’ailleurs très bien. Les gens considèrent que nous ne sommes pas aptes à faire ce genre de métiers, et cela malgré avoir entendu parler en octobre dernier, d’un jeune Algérien, prénommé Fethi qui s’est battu contre cette cause. Il a en effet porté plainte contre une société de Loire-Atlantique qu’il accusait de discrimination à l’embauche. J’ai trouvé son combat touchant et cela m’a ramené quelques années en arrière, à l’époque ou toute mes demandes d’emploi étaient rejetées et je me suis en quelque sorte reconnu en lui.

Le multiculturalisme apporte un point de vue sur le monde qui nous entoure, différent selon la provenance. Et je suis fier d’être mexicain mais également et cela malgré mon parcours, qui n’a pas toujours été facile, je suis fier de pouvoir dire que j’ai vécu en Amérique. Ces expériences m’ont apporté tellement en tant qu’homme et m’ont appris que rien n’est jamais acquis, que tout peut encore changer. Et selon moi, la différence qu’elle soit raciale, religieuse, physique, culturelle ou même sexuelle, nous apporte plus qu’elle ne nous désavantage.

Je tiens à te dire que je t’aime et que malgré tout je ne baisse pas les bras. J’espère de tout cœur obtenir un visa au plus vite et ainsi commencer afin ma nouvelle vie ici à Vancouver.

Avec toute mon affection,

Salomon.

Sarah W, 1L1