Vendredi Forum : rencontre avec Valerian Le Cointre

Valerian Le Cointre : Bénévole au camp de réfugiés syriens de Cherso en Grèce : une rencontre organisée par l’équipe des élèves du Vendredi-Forum

Passionné de voyages en stop qui le conduisent à voir le monde, grandeur nature, Valérian Lecointre n’écoute que d’une oreille les conseils de ses parents quand ils lui disent de se déplacer en travaillant. Trop statique !, décrète le jeune homme qui, entre l’été 2016 et celui de 2017 a accompli un tour d’Europe après avoir obtenu une licence de «Chargé de projet et de solidarité internationale et développement durable» à l’université de Bordeaux. Les hasards du voyage ont conduit le brestois en Grèce où, en totale abnégation, il a travaillé à Cherso auprès d’Open Cultural Center, une ONG espagnole développant des activités éducatrices et culturelles dans les camps de réfugiés. Son récit à captivé les lycéens présents au Vendredi Forum du 30 mars entièrement consacré à l’étonnant voyageur.

 

Parti de Bretagne à bord d’un navire de la Brittany Ferries, Valerian Lecointre débarque au Royaume-Uni et gagne la Norvège avec l’envie de passer en Russie mais il se résout finalement à abandonner face au coût élevé du visa et à la quantité d’explications à fournir aux autorités quant aux motifs de son périple. Ses pérégrinations sur les routes européennes lui ont fait parcourir 15000 kilomètres, traverser 17 pays et monter à bord de 150 voitures en estimant le coût total de l’aventure à quelques 3 500 euros. Valerian Le Cointre a voyagé avec une tente légère et transportable très facilement. Grâce au woofing (1) il travaille bénévolement dans des fermes et des communautés en échange de la nourriture et du logement, ce qui lui permet d’engranger quelques économies. Tout voyage occasionnant l’ inattendu, le jeune homme passe trois semaines à Helsinki à construire des chalets avec une personne qui l’héberge. Plus tard, en Ecosse, il a l’occasion de conduire plus petit ferry du monde. La traversée dure quatre minutes. « Magnifique et hors norme !» s’exclame le voyageur en qualifiant l’espace Shengen (2) de chance et de facilité pour voyager.

« Allez, carrément ! »
Au bout de trois semaines dans une communauté hippie, le Breton se reconnecte avec sa famille. Un copain nantais lui propose dans le même temps de participer à son projet consistant à partir en Grèce faire de l’animation dans des camps de réfugiés. Du nord de l’Europe, Valerian lance à son ami « Allez, carrément ! ». Une femme qu’il rencontre lui paye son billet d’avion ce qui lui permet de rester un peu plus que prévu dans la communauté hippie. Entre la Norvège et la Grèce le changement est radical en termes de climat, de culture et d’ambiance. Celle des camps que le voyageur découvre en arrivant est bouleversante. Dans un pays qui compte 62 000 réfugiés, c’est sur l’île de Lesbos que s’organise le passage des migrants syriens. En 2016, la Grèce, qui gère 60 camps, a fermé ses frontières avec tous les autres pays européens en échange d’argent pour financer l’arrivée des migrants ou pour monter des projets avec les ONG.

Des préjugés
Beaucoup d’ONG y sont présentes en Grèce et fournissent, selon leurs spécificité, lavabos, matelas, vêtements ou nourriture. C’est à Cherso un camp de 900 personnes, syriennes à 99% que Valerian s’est rapproché de l’Open Cultural Center. « J’avais beaucoup de préjugés sur l’organisation des camps avant de m’y rendre. Je pensais que cette population était constituée de gens pauvres mais j’ai découvert qu’il y avait des profs d’université, des médecins, des artistes, des militaires. Certains, qui avaient étudié dans un lycée français, connaissaient mieux le Général de Gaulle que moi. Les Syriens qui sont en Europe sont les plus riches. Les plus modestes n’ont réussi à atteindre que le Liban. A chaque fois que l’on pénétrait dans le camp on se prenait une vraie claque en constatant que cette vie n’est vraiment pas normale. Des autorisations sont nécessaires pour travailler là-bas. Chaque entrée et sortie est contrôlée. L’ONG espagnole que nous avons intégrée a bâti une école dans laquelle des cours étaient donnés aux jeunes de 5 à 18 ans. Les après-midi étaient consacrées à des activités sportives culturelles et artistiques. Le soir, des cours d’anglais et d’allemand étaient donnés à des adultes. Nous accueillions chaque jour près de 120 personnes. Parmi nos missions quotidiennes nous organisions des séances de cinéma en espérant, le temps d’une heure ou deux, faire oublier leurs difficiles situations aux réfugiés. Un échange s’est vite installé entre nous et c’est ainsi que des Syriens nous ont enseigné des rudiments d’arabe afin de faciliter la communication. Nous, les volontaires, devions payer notre logement et notre nourriture si bien que certains parmi nous partaient travailler trois mois à Barcelone avant de revenir à Cherso dépenser leur argent en aidant dans le camp.»

Je n’ai jamais vu de dessins d’enfants aussi puissants !
«Petit à petit nous avons commencé à mettre en place des animations dessins avec des enfants de 5 à 10 ans. On a immédiatement constaté qu’ils ne représentaient que la guerre, l’exil et la vie dans les camps. Je n’ai jamais vu de dessins d’enfants aussi puissants! Nous avons rapidement commencé un travail de sélection avec eux dans le but de créer un livre qui serait à la fois une trace de leur expérience, un outil de sensibilisation en Europe et une source de financement. Edité en Catalogne en janvier 2017, l’ouvrage évoque la vie en Syrie, l’exode en Europe et la vie dans les camps. En décembre 2016, Cherso est fermé à cause des conditions climatiques. Cela s’est fait n’importe comment. Les réfugiés ont été séparés et déplacés, encore une fois de façon brutale. Tout notre travail a été remis en question si bien que nous n’étions plus présents qu’auprès des réfugiés installés en ville afin de ne pas cautionner la brutalité infligée dans les camps. C’était très violent de voir de jour en jour des adultes sombrer dans l’alcoolisme et la dépression.»

Un coup de grâce !
La situation en Grèce entraîne un profond découragement chez les bénévoles et Valérian Le Cointre n’échappe pas à ce coup de grâce. Désabusé il quitte Cherso après quatre mois d’activité intense, boucle son tour d’Europe en stop et regagne Brest avec l’intension d’éditer en français le livre des dessins d’enfants. Depuis un an, il a entamé un périple pour le moins différent. Au sein de l’antenne «Open Cultural France» créée récemment Valérian Le Cointre va au contact de divers publics, dont celui des écoles, en étant un peu le porte-parole de la vie des petits réfugiés.

Margot Dejeux (terminale L)/ Dominique Le Guichaoua